Pour l’amateur d’art français, le nom du peintre et graveur suédois Allan Osterlind (Stockholm 1855 – Paris 1938) dit peu de choses. Bénézit lui réserve la rubrique suivante :
Osterlind Allan: peintre et graveur né le 2 Novembre 1855 à Stockholm- mort en 1938 (Ecole suédoise) associé au Salon de la Nationale des Beaux-Arts depuis 1890-figura aux expositions de Paris- mention d’honneur 1887-médaille argent 1889- Chevalier de la Légion d’Honneur.
Le Musée de Tours possède de lui « Fin de journée », celui d’Helsinki :
- « La confirmation »(peinture),
- « Rayon de soleil » (peinture)
- « Vieillard » (peinture)
- « Rodin dans son atelier » (aquarelle)
Celui de Göteborg « Le preneur de rats »
Comme graveur, on cite notamment le « Portrait du poête Maurice Rollinat (eau-forte)
Madame Monneret dans « L’Impressionisme et son temps » écrit :
Osterlind (Stockholm1855 – Paris 1938) peintre et graveur suédois : Osterlind fait ses études en France à l’Académie Julian et à l’École des beaux-arts de Paris. Il séjourne longuement avec son compatriote Josephson en Bretagne, se lie avec les artistes du groupe de Pont Aven, entre autres avec Maufra, et a des relations épisodiques avec Gauguin.
-Excellant graveur (portrait de Maurice Rollinat), il réussit particulièrement ses eaux-fortes en couleurs représentant des paysages ou des scènes de Bretagne, de Suède ou d’Espagne, un peu anecdotiques.
-Virtuose de l’aquarelle, il conçoit celle-ci comme un véritable tableau de dimensions tout à fait exceptionnelles pour ce genre et d’une grande vigueur de coloris (portrait de Rodin dans son atelier).
Allan Osterlind est le père du peintre Anders Osterlind (ami d’Othon Friesz) dont l’art se situe dans l’orbite de celui des fauves et particulièrement de Vlaminck. «
C’est peu pour un artiste dont le nom réapparaît plusieurs fois par an sur des peintures, gravures, aquarelles passant en vente publique en France et en Suède. Les collections publiques suédoises et finlandaises se flattent de posséder certaines de ses oeuvres dont la presque totalité fut réalisée chez nous et l’État français acquit dans les années 1890-1910 certains de ses travaux qui ne détonneraient pas à Orsay, si ils n’avaient pas été dispersés, en leur temps, dans des musées de province.
Osterlind aura dès sa jeunesse, et, nous pensons, sa vie durant, déconcerté ceux qui se sont attachés à suivre son parcours.
Les recherches que nous avons faites nous ont conduit en Suède, en Finlande, mais surtout en France où les traces de son passage dans les lieux où il travailla et vécut ne sont pas encore toutes effacées, signes d’une époque d’artistes itinérants, toujours en quête de sites nouveaux, payant souvent leur écot dans les auberges, par l’éxécution d’enseigne ou de panneaux peints, mais aussi chez des amateurs (jusqu’aux Antilles !) que les qualités du graveur et de l’aquarelliste comblent de joie.
Membre de la colonie des jeunes artistes suédois arrivés en France dans les années 1875-1885, pour y apprendre la peinture de plein air, en opposition avec « l’Académisme » qui régnait à l’Ecole Royale Suédoise des Beaux-Arts, Osterlind a pris une part active dans la vie agitée de cet essaim d’artistes qui, rentrés dans leur pays en 1890, y sont considérés comme les maîtres de la renaissance de la peinture scandinave à l’époque.
Dans les années 1880-1890, sa peinture se vendait mieux que celle de son ami Josephson devenu bien plus célèbre par la suite. Graveur aussi fin et précis qu’Anders Zorn, au point que A. Strindberg, un autre de ses amis qu’il soutint dans ses combats comme il avait soutenu Josephson dans sa folie, lui proposa en 1895 d’illustrer ses ouvrages en Français. Aquarelliste audacieux, ne reculant pas devant les grandes tailles où il s’exprime dans une facture large, coulée d’une couleur magnifique et profonde, il passe, à son époque, pour un maître inégalé en ce domaine.
Pourquoi cet homme d’un talent alors reconnu, semble-t-il, ne parvint-il pas à la notoriété que beaucoup de ses amis connurent et connaissent encore?
Nous pensons qu’il peut y avoir, à cette question, deux réponses.
Lorsque tous ses camarades rentrent en Scandinavie dans les années 1890, Osterlind, marié à une Française, père de trois jeunes enfants, mieux inséré dans la société française et, plus particulièrement parisienne des années 1890-1910 que la plupart de ses amis par sa bonne connaissance du Français, et un charme qui lui ouvre bien des portes, reste en France.
Et au lieu de poursuivre une oeuvre de peintre de la réalité comme ses camarades revenus en leur pays d’origine et d’y apporter des accents de romantisme nordique, indifférent aux nouveautés apportées par les Impressionistes ou par les artistes du groupe de Pont-Aven, il s’oriente vers une oeuvre où le portrait et la femme tiennent une place majeure, abandonnant en chemin la peinture pour la gravure et notamment la gravure en couleur.
Bref il devient un peintre et graveur de la société française qui l’accueillait si bien, un peintre définitivement français, semblant tourner le dos à ses origines.
L’autre raison est dans le caractère de l’homme : riche de bien des dons, issu d’un milieu grand bourgeois scandinave, Osterlind reste toute sa vie égal à ce qu’il était dans ses vingt ans : bohême élégant, indifférent aux conditions matérielles, et préférant les chemins de Bretagne et de la Creuse aux habitats confortables, indifférent aussi aux problèmes d’argent, si graves soient-ils, sincère, intègre et généreux au point d’en paraître parfois naïf, mais rêveur, toujours troublé par ses lectures de jeunesse du maitre suédois Swedenborg, peu confiant en lui, incapable de se fixer longtemps dans un lieu ou une technique, c’est à dire tout à fait désarmé pour imposer uns « image de marque », clé de la réussite dans un monde des arts en plein bouillonnement.
(introduction à l’étude « Sur les traces d’Allan Osterlind » réalisée par M. Jean d’Ornano)